En 2016, le plus célèbre revolver de la littérature française — utilisé par Paul Verlaine (à gauche) quand il essaya de tuer son amant, le poète Arthur Rimbaud (à droite) — fut vendu pour 434 500 € aux enchères. Estimé entre 50 000 et 60 000 euros, le révolver fut donc vendu plus de 7 fois son prix ! Il a été acheté par un énigmatique collectionneur au téléphone…
L’arme de ce crime passionnel — un 7 mm six-shooter — a disparu pendant 130 ans et fut retrouvé grâce…à un film !
En effet, c’est grâce au film Rimbaud Verlaine sorti en 1995 avec Leonardo DiCaprio dans le rôle de Rimbaud que cette arme a refait surface. L’armurerie Montigny, dans laquelle se trouvait le revolver, avait mis la clé sous la porte en 1981. Son propriétaire l’avait alors confié à Jacques Ruth, un huissier de justice belge, en lui racontant son histoire. Au début des année 2000, il voit pour la première fois le film qui relate la relation tumultueuse des deux poètes français et il se rend compte de la valeur historique de l’objet rangé dans son placard depuis plus de 20 ans.
Ruth contacte l’historien Bernard Bousmanne, conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, qui réalisait à l’époque une exposition consacrée à Rimbaud. Bousmanne le présente à des experts de l’école militaire royale de Bruxelles, qui confirment qu’il s’agit de l’arme utilisée par Verlaine.
Mais quelle est la raison qui poussa l’auteur de Chanson d'automne à tirer sur celui du Dormeur du Val ?
Deux balles… et deux ans de prison
Alors que Rimbaud n’avait que 16 ans, il envoie ses vers à Verlaine. Ce dernier est ébahi et emporté par la verve du jeune poète. Les deux hommes plongent alors dans une histoire d’amour illicite (alimentée par l’absinthe et l’opium). Cette histoire les conduit à s’exiler à Londres jusqu’au jour où Verlaine décide de rentrer auprès de sa femme. Il s’enfuit à Bruxelles pour échapper à l’amour toxique mais passionnel de Rimbaud. Animé par un désespoir et une tristesse infinie, Verlaine écrira ces vers célèbres « Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville. »
Verlaine se procure un revolver dans une armurerie de la capitale belge, au matin du 10 juillet 1873. Lorsque Rimbaud le rejoint à l’hôtel, une querelle amoureuse éclate et il lui annonce qu’il le quitte pour rentrer à Paris. C’en est trop pour le jeune poète qui aurait dit : « Voici pour vous, puisque vous partez ! » avant de sortir le fameux revolver et de blesser Rimbaud d’une balle au poignet, la seconde ne blessera que la cheminée.
Le trop amoureux Rimbaud ne portera pas plainte, ce qui n’empêchera pas Verlaine d’être condamné à deux ans de prison et de travaux forcés. Durant cette période, il rédigera 32 poèmes qui figureront plus tard dans certains de ses recueils les plus connus : Sagesse, Jadis et naguère, Invectives.
Rimbaud, dont l’héritage a inspiré le mouvement de contre-culture des années 1960 et les rebelles du rock comme Jim Morrison, retournera à Charleville vivre avec sa mère. Il terminera son œuvre en prose Une saison en enfer, considérée comme un exemple révolutionnaire du symbolisme moderne.
Leur relation amoureuse cessera, mais ils continueront d’échanger par lettre et Rimbaud enverra un exemplaire de sa dernière œuvre à Verlaine en prison, dédicacée « Sans rancune ! ».
Quant à l’arme, elle fut confisquée, puis retournée à la boutique où Verlaine l’avait achetée. La suite, vous la connaissez…